L’âme de la Provence

Dans le village de Fayence se cache le domaine d’une résidence privée. Sous l’égide de la paysagiste Brigitte DEMATTEIS, un jardin de 7000m2 raconte la terre provençale de manière aussi authentique que contemporaine.

Tout a commencé par un livre feuilleté par les propriétaires de cette résidence à Fayence. Ils découvraient alors l’univers de Brigitte DEMATTEIS au sein de son ouvrage Dialogue avec des jardins méditerranéen : ses réalisations dans le Midi de la France, des promenades dans des espaces particuliers, des jardins aux terrasses, mais toujours avec un fil rouge que sont la vision de son auteur, peintre et paysagiste, et son amour de ce Sud dont elle est originaire et qui ne cesse de l’inspirer depuis sa tendre enfance. Une composition graphique de boules de buis et de granit blanc présentée dans cet ouvrage arrêta l’oeil des futurs clients qui contactèrent la paysagiste pour réaliser un espace similaire chez eux. De ce premier coup de coeur, ce ne fut pas seulement un carré de buis qui fut crée mais en fait tout le domaine qu’ils lui confièrent afin de le réagencer. « C’était un jardin très cloisonné, conçu par le précédent propriétaire et ceci, sans avoir pensé au devenir des végétaux avec, entre autres, de vilaines haies trop hautes », explique Brigitte DEMATTEIS. Surtout, il était nécessaire de travailler l’ensemble avec un souci d’unicité et de personnalité en adéquation avec les caractéristiques de ce très vaste jardin tout en dénivelé.

Premier objectif : créer une oliveraie dans la partie inférieure du domaine, une intervention qui a suscité en quelque sorte la structure, le but étant d’inciter le promeneur à aller découvrir au fil d’un cheminement travaillé et ce, sans compter les différents espaces traversés.

A ce titre, il a fallu penser l’espace autour de la piscine déjà existante et au niveau supérieur, un lieu favorisant la contemplation de la vue environnante. C’est ainsi un chemin qui se propose au visiteur de la maison et qui raconte à sa façon le Midi. Traités comme la garrigue, une succession de senteurs et de végétaux méditerranéens, du romarin à la santoline en passant par la lavande, composent autant de jeux de déclinaisons de gris et de textures. Un escalier en pierre, bordé notamment d’agapanthes, de Teucrium, d’hémerocalles conduit aux pièces de détente, à commencer par l’espace piscine au niveau inférieur d’une « chambre végétale » qui offre un panorama. Enfin, en bout de parcours, l’oliveraie majestueuse de 1000 m2 accueille le promeneur. Autre surprise, les ruines d’un vieux mas sont serties d’agapanthes et de lavande afin qu’elles ne soient pas occultées. Mieux encore, la nuit venue les sublime. « J’ai voulu faire la liaison entre le passé et la modernité, tout en faisant disparaître la main du paysagiste ». Au-delà de l’éclairage nocturne, chaque espace est travaillé de manière à créer du rythme et du volume. Egalement artiste peintre, Brigitte DEMATTEIS le dit elle-même, « je m’attache à travailler l’ombre et la lumière qui sculptent les végétaux ». De même, la palette végétale est choisie comme autant de teintes qui se métamorphosent au fil des saisons. Les propriétaires vivant tout au long de l’année dans cette résidence et son parc, ce sont autant de surprises et d’émerveillements qui les attendent. La déclinaison de verts et de gris s’enrichit ainsi au printemps de bleus et de roses tandis que, l’été venu, l’orange des hémerocalles enflamme le tout, à commencer par le bleu de la lavande.

« Le lieu dicte toujours la palette paysagère. Il faut parvenir à le réaliser avec un souci de simplicité qui est l’aboutissement d’un travail de complexité et de technicité énorme », conclut Brigitte DEMATTEIS. Et d’ajouter, « la simplicité est synonyme d’élégance ». Ce jardin tout en charme authentique et en grâce en est une belle illustration.

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Retour sur l’intervention sur le domaine de Terre Blanche

Nichée dans le domaine de Terre Blanche, cette propriété jouit d’un jardin signé Brigitte DEMATTEIS. Un exercice de style parfaitement maîtrisé par celle qui déclare : “La seule chose qui m’intéresse, c’est l’émotion, et comme la nature en elle-même n’est que perceptions, j’ai donc adopté cette alliée indéfectible qui me procure tant d’émotions et de découvertes”.

Avez-vous eu carte blanche ou au contraire un cahier des charges très précis ?
Brigitte DEMATTEIS : J’ai eu carte blanche, comme bien souvent pour les jardins que je crée. Mais, entre mon premier rendez-vous avec les propriétaires et le début des travaux, une maison de 2000m2 avait commencé à sortir de terre et elle surplombait le coin repos de la maîtresse des lieux. Il n’était donc plus question de réaliser un jardin dit “simple” ; il fallait désormais prévoir un terrassier qui allait rehausser les terres, et planter des oliviers et des cyprès afin de masquer le parc aux regards du voisinage.

Ce jardin est-il complémentaire à la maison ?
Brigitte DEMATTEIS : Totalement, comme tous les jardins d’ailleurs. Mais dans ce cas précis, d’avantage encore par l’espace buis-boules qui a été crée et qui fait partie intégrante de la maison. Une interaction entre dedans et dehors.

Le minéral joue-t-il un rôle important ?
Brigitte DEMATTEIS : Oui, je dirais même qu’il joue un rôle extrêmement important car il apporte toujours un aspect “sculpture”.

Quelles essences avez-vous privilégiées et pourquoi ?
Brigitte DEMATTEIS : Ce jardin est travaillé tout en essences méditerranéennes. Nous sommes à Fayence, dans le Sud de la France, et les plantes méditerranéennes y restent incontournables. Elles sont adaptées au climat extrêmement chaud qui règne sur le domaine de Terre Blanche durant tout l’été, et ce sont aussi des persistantes qui permettent de travailler sur l’aspect du jardin tout au long de l’année.

Vous êtes vous attachée aux volumes autant qu’aux couleurs ?
Brigitte DEMATTEIS : Ma sensibilité m’amène à faire prévaloir la structure du jardin avant tout. Et mon côté méridional, la couleur. Je dis toujours que c’est la lumière qui joue le rôle d’un sculpteur sur la matière, je privilégie donc dans un premier temps la masse que je vais accorder aux différents végétaux afin de jouer avec les volumes. Le vert sombre des romarins, le vert-jaune des pittosporum nana, le gris-vert de la santoline, les noirs cyprès… Puis les couleurs prendront le relais dès le mois de mars, au grand ravissement des propriétaires, et elles se succèderont jusqu’en novembre.

Si vous deviez qualifier ce jardin, vous diriez qu’il est…
Brigitte DEMATTEIS : C’est un jardin qui repose sur une élégante mixité, entre tradition et modernité.

Des plantes sur sa palette

À la manière d’un peintre qui structure sa toile, Brigitte DEMATTEIS joue avec les couleurs et les volumes pour sublimer les jardins. Des oeuvres végétales nées d’une créativité débordante, qui signe le travail de cette paysagiste Grassoise.

« La créativité ne s’apprend pas ». Brigitte DEMATTEIS n’a pas suivi de formation en architecture paysagère. Et, loin d’être complexée, elle en est fière. C’est une question de caractère, qu’elle a bien trempé. Mais aussi de résultat. En vingt cinq années de métiers, ses jardins parlent pour elle.

Il y en a plus de cent, auxquels elle a donné naissance tout le long de la Côte d’Azur, entre Var et Alpes Maritimes. Certains sont situés dans les environs de Grasse, où sont bureau d’études est installé. C’est là que l’aventure a commencé.

J’ai vécu mon enfance entre Villefranche sur Mer et Cabris où je réside depuis toujours. Mon oeil s’est imprégné des jeux d’ombre et de lumière qui font font de ces territoires méditerranéens , d’immenses fresques dessinées par la nature et l’homme. Cette nature est une ‘intarissable source d’inspiration, que le projet soit titanesque ou plus modeste. Le plus petit jardin que j’ai réalisé ne mesure que 4m250. Ce sont les abords de la pharmacie de mon village, Cabris. Le plus grand a été aménagé à Grimaud, dans le Var, surplombant la baie de St Tropez. Dans tous les cas, Brigitte DEMATTEIS procède à la manière d’un peintre. « Créer un paysage, c’est de l’art, de l’art vivant. Il y a des impératifs de volume à suivre, un nombre d’or à respecter, des couleurs à associer… » La palette de l’artiste est alors végétale, riche d’espèces et de variétés qui ont chacune leur texture, leur teinte, leur sagesse graphique ou leur exubérance.

« L’important est que le jardin conserve son esthétisme toute l’année. Il change au cours des saison et des floraisons, …et même d’une heure à l’autre avec l’influence du soleil, mais il doit garder sa Beauté ». Pour répondre à cet impératif, la designer a sa méthode. « Je me rends chez le client pour écouter et comprendre ses désirs. Je prends alors des photos des lieux, dont il convient généralement de conserver la structure naturelle. »

De retour dans son bureau, elle s’installe devant son ordinateur et travaille non pas sur l’atout majeur du site qui lui a été confié mais sur son défaut. “Il faut s’appuyer dessus et trouver des méthodes d’agencement qui vont rendre le lieu unique”.

Avant de lancer les travaux, Brigitte DEMATTEIS propose toujours plusieurs avant-projets? qui ne sont autres que des photomontages représentant aux propriétaires différentes options d’aménagement. « L’utilisation de la photo permet au client, de voir à quoi ressemblera son jardin. Elle est plus réaliste et plus efficace que le dessin ». Disposant d’une colossale banque d’images, constituée de tous types de végétaux, revêtements de sol, murs en pierre etc…La paysagiste grassoise est la seule en France à proposer ce service qui précède la production d’un plan de masse, travaillé à la main. “Le plan de masse est le document technique destiné aux professionnels qui assureront le chantier. Le client est libre de choisir ses entreprises ou de me faire confiance pour un jardin clés en mains”. Brigitte DEMATTEIS a en effet son réseau d’intervenants, mais c’est elle qui suit la métamorphose du jardin. « Je positionne moi-même les plantes » insiste-elle, comme pour ponctuer un processus créatif auquel elle a déjà consacré deux livres. Le dernier, publié en 2015, est préfacé par Alain Baraton, responsable du parc du chateau de Versailles. Un grand nom autant séduit par la paysagiste que par l’artiste. Au point d’écrire : « Je suis convaincu que le lecteur qui aura connu le bonheur de la rencontrer sera tenté, comme pour le Petit Prince, de lui demander de dessiner, non pas un mouton mais un jardin »

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